La connerie

- Tu dois mourir !

- Mais enfin pourquoi ?

- Tu en sais trop.

- Mais je ne sais rien, je vous le jure ! Vous faites une grosse erreur !

- L’erreur est humaine…

Ce film américain que je regardais à la télé sur une chaîne de la TNT était un navet. Comme ils savent si bien les faire. Les français aussi d’ailleurs, mais en l’occurrence, ce film était américain. J’abandonnais donc mon film pour aller faire la vaisselle. J’entendis soudain une détonation. L’homme n’avait pas été assez persuasif.

Je remplis mon bac d’eau chaude et y déversais un léger filet de liquide vaisselle écologique qui ne tarda pas à mousser plus que de raison.

- Je suis Malcom, je suis chargé de l’enquête. Brian, faites-moi un petit rapport de la situation.

- On a retrouvé le cadavre au bord d’un étang avec une balle de Kalachnikov en pleine tête. On n’a pas encore pu l’identifier, il n’a pas de papiers. On n’a pas de témoin.

- Bon ben on va se mettre au boulot alors.

Je pris le côté face de mon éponge grattante et après avoir nettoyé les assiettes et les verres, je m’attaquais à la poêle. Cela n’allait pas être une mince affaire car le poisson pané avait bien accroché. La voix m’intriguait. J’allai jeter un œil pour mettre un visage sur cette voix nasillarde.
A bien y regarder, de part son physique et son allure, Malcom ressemblait plus à un truand qu’à un représentant de l’ordre. Légèrement bedonnant, la bouche tombante, le nez montant ; il n’y avait bien que ses oreilles qui allaient dans la bonne direction. Ses yeux étaient cachés par d’imposantes lunettes noires. Je retournai à ma vaisselle.
J’entendis la même voix :

- Dans deux jours je vous amène le meurtrier dans votre bureau chef et dans un mois je deviens inspecteur.

- Ha ! ha ! ha ! …

J’étais venu à bout des saletés récalcitrantes qui ne voulaient pas se détacher de la poêle malgré mon ponçage énergique. C’est de la merde cette poêle ! Comme les pots troués de chez Botanic ! Ils vous la vendent anti attachante et vous vous retrouvez à arracher la moitié du revêtement pour la nettoyer. Bon c’est vrai que j’ai peut-être fait un peu trop cuire mon poisson.

- Tu sais ce que m’a dit Malcom tout à l’heure ?

- Non quoi ?

- Qu’il allait devenir inspecteur !

- Ah ! ah ! ah ! le con. Il a l’ambition de celui qui a tout raté et l’orgueil de celui qui ne s’en rend même pas compte.

- Tu sais que c’est beau ce que tu viens de dire.

- Ah bon ! Qu’est ce que j’ai dit ?

- Qu’il avait de l’ambition mais que c’était un raté un truc comme ça.

- Ah oui j’ai dit ça ? c’est pas si terrible que ça.

Mais au fait j’avais nettoyé trois cuillers et il n’ y en avait que deux dans le séchoir. J’étais certain qu’au départ, il y en avait trois. Peut-être étais-je parti avec devant la télé tout à l’heure. Je retournai voir.

- Madame, vous n’avez rien vu d’anormal le mardi 27 à 19h12 ?

- Non rien.

Effectivement ma cuiller était restée sur le meuble près de la télé. J’étais quand même plus efficace que ce futur inspecteur pathétique en matière de résolution d’enquête. Il interrogeait une femme qui n’avait pas cru bon sortir de chez elle et qui lui parlait en restant derrière sa fenêtre.

- ouais. Tu vois Brian, ça risque d’être plus difficile que prévu.

Je coupai la télé. Je me doutais comment tout cela allait finir. Il trouverait l’assassin comme moi j’avais retrouvé ma cuillère. Pas la peine d’en faire un film. Je repartis dans ma cuisine pour essuyer la vaisselle.